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Un site web à 250 millions de centimes ! Des stylos à 1000 dirhams, non ?!

Nous sommes dans un drôle de pays. Les officiels, ici, peuvent passer des commandes pour des achats et des prestations en y mettant plusieurs fois le prix qu’on leur aurait proposé ailleurs, et ça se fait, normal. Et l’Etat paie… Et voilà ! C’est la routine, comme qui dirait…

Engagez-vous en politique ! Sérieux ! Vous vous ferez des C… en or. Avec un minimum d’intelligence et de front (traduire en arabe), vous pouvez passer des marchés en misant une dizaine de fois (ou plus), leurs valeurs, puis jouer à l’abruti qui a simplement presque été berné, ou qui pensait payer cher pour avoir un bon service. Et avec le prestataire, en coulisses, vous savez… Les trucs. Les échanges et tout ça ! Les je te rendrai la pareille, les je te vends ce terrain à 1 demi centime, et les ton père est mon ami. Et les valises pleines de sous, c’est d’ailleurs mieux si on est déjà riche, difficile de nous contrôler.

 

Pourquoi l’Etat ne contrôle pas les marchés publics ? Pourquoi tout ce pouvoir donné à des individus ?

 

En apprenant pour le site web à 250 millions de centimes, je me suis empressé d’aller jeter un œil. Facebook et Linkedin n’avaient selon moi qu’à bien se tenir. On y a mis vraiment tout plein d’argent qu’il doit donc être magnifique. Mais… Allez voir : vacances.gov.ma. Allez-y ! C’est bof ! Très bof ! Ultra-bof ! C’est pas laid, mais c’est pas beau non plus. Normal, quoi ?! Les sites web des incubateurs de start-up, par exemple, sont dix mille fois mieux.

 

Selon un rapport de l’IGF, ce genre de site coûte dans les 20 millions. Il en a coûté 250. Par ailleurs, il ne comporte que 7 pages statiques et non pas dix mille et quatre zones de connexion… Et ne parlons pas de toutes les autres failles. C’est limite s’il fonctionne bien. Et ça ne respecte rien de rien, ni confidentialité, ni tout plein de trucs que l’IGF explique mieux. Par exemple, le site « n’est pas conforme à la Charte conjointe des portails électroniques gouvernementaux ». D’ailleurs le prestataire n’a même pas remporté de marché, non ! L’accord s’est fait de gré à gré…

 

Et beaucoup, beaucoup, beaucoup d’autres critiques.

 

C’est-à-dire qu’en plus de prendre les gens pour des abrutis avec ce prix faramineux, le travail n’est même pas fait selon les règles les plus élémentaires. Et soyez sûrs et certains que les responsables s’en sortiront bien. C’est très passager tout ça. Et c’est d’ailleurs ce qui arrive usuellement quand un ministère a besoin de quelque chose… Ou une commune ! Ou une administration. Ou à peu près n’importe quoi financé par le Contribuable.

 

Le ministère de la santé vient de donner de beaux exemples en achetant des tests à un prix plus haut que ceux payés par d’autres clients, des tests qui seront périmés le mois prochain, et… et… et… là aussi dans ce dossier les critiques fusent de toutes parts. C’est toujours à peu près la même histoire…

 

Et encore, là ça sert à quelque chose. Parfois des responsables paient des fortunes pour des trucs qui non seulement ne servent à rien, mais sont… Handicapants et laids. Une toiture géante se voulant œuvre d’art (pour ses réalisateurs probablement), d’une laideur extrême et absolue, totalement hideuse, a été construite à Rabat et a coûté 380 millions de centimes. L’Unesco risque même de virer la Capitale de sa liste de patrimoine universelle rien qu’à cause d’elle, et d’une autre laideur architecturale du même acabit, dans la gare ferroviaire Rabat-Ville, et ça a coûté 380 millions de centimes. Place Moulay Hassan, SVP ! En plein centre-ville.

 

Et oui ! C’est comme ça. Engagez-vous dans la politique ! Vous pourrez prendre les gens pour des idiots avec votre air sérieux là, et engager des avocats pour ester contre quiconque osera vous accuser de dilapidation des fonds publics. Et si on le fait quand même, parlez de règlement de comptes politiques et sortez les cadavres et les défauts de paiement de CNSS des placards s’il y en a, ou accusez à tort et à travers. Ça marche tout aussi bien…

 

C’est facile… Engagez-vous !

 

Nul ne vérifiera ce que faîtes avant que vous ne le fassiez, et quand ça sera fait armez-vous des armes usuelles au cas où vous auriez trop attiré l’attention. Par exemple si vous avez payé des trombones à 500 dirhams l’unité, ou si vous avez offert 250 millions pour un site web ringard, sans passer par un appel d’offres. Ben oui ! On vous aurait demandé 20 millions de centimes. C’aurait été trop chelou ! Vaut mieux éviter les appels d’offres quand on exagère.  C’est l’une des règles du métier.

 

Les règles et les procédures sont trop vagues et on peut les contourner et en profiter sans trop d’effort mental. Engagez-vous ! Et souvenez-vous : Chacun pour soi… Votre réelle amie et protégée est votre poche et celles de vos proches. Le reste, c’est des étrangers… Et les loups ne se mangent pas entre eux.

 

Un jour, un de mes grands amis, qui connaît tout plein de politicards, m’a dit : « Pour faire de la politique ici, dans la plupart des cas, un homme a besoin que tout lui soit égal. Bien, mal, justice, injustice, le politicien n’en a cure. Avoir du cœur et des principes est handicapant. Dans l’extrême majorité des cas les politiciens, ici, sont des monstres ou des égoïstes à l’extrême ».

 

Tu avais bien raison… Oui ! C’est correct.

 

Nouamane Rimeh.

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