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Séries marocaines : quand la médiocrité subventionnée devient une norme audiovisuelle

Alors que les plateformes de streaming nous offrent un accès sans précédent à des productions internationales de haute qualité, un contraste de plus en plus frappant s’impose : celui entre les séries étrangères, souvent ambitieuses et bien réalisées, et certaines productions locales marocaines, médiocres tant sur le plan artistique que narratif.

Une qualité artistique en déclin… mais massivement diffusée

Il est difficile aujourd’hui d’ignorer l’écart entre les séries marocaines diffusées, notamment pendant le Ramadan, et celles issues de pays comme les États-Unis, la Corée du Sud ou encore l’Espagne. La comparaison, presque inévitable pour le spectateur marocain connecté, est douloureuse : scénario bancal, dialogues plats, jeux d’acteurs approximatifs, mise en scène sans rythme ni profondeur. Il ne s’agit pas ici de critiquer gratuitement, mais de constater une réalité partagée par un public de plus en plus exigeant.

Et pourtant, ces séries rencontrent un succès d’audience notable. Diffusées en prime time — souvent juste après la rupture du jeûne — et massivement partagées sur YouTube et les plateformes digitales des chaînes nationales, elles atteignent des millions de vues. Mais cette audience élevée ne reflète pas nécessairement un engouement authentique. Elle est surtout le fruit d’un moment captif, imposé, où les familles se retrouvent face à une offre restreinte, peu diversifiée.

Une médiocrité subventionnée par l’argent public

Le véritable problème n’est pas uniquement artistique. Il est structurel. Ces productions sont, pour beaucoup, largement subventionnées par l’argent du contribuable marocain. Et c’est là que la critique prend tout son sens : comment justifier que des contenus de si faible qualité soient financés avec de l’argent public, alors même qu’ils ne répondent ni aux critères de qualité, ni aux attentes culturelles profondes du public ?

Ce modèle de subvention, censé soutenir la création artistique, semble avoir été détourné de son objectif initial. Il alimente un petit cercle fermé de producteurs et de créateurs, souvent les mêmes d’année en année, au détriment de la diversité, de l’innovation et de la compétition saine. Une subvention intelligente devrait être limitée dans le temps, conditionnée à la qualité, et soumise à un contrôle rigoureux des pratiques anticoncurrentielles.

Une ligne éditoriale inquiétante : l’anarchie comme toile de fond

Au-delà de la question de qualité, un autre phénomène interroge : le message véhiculé par ces productions. Une tendance récurrente se dessine : celle d’un Maroc présenté comme un pays livré à lui-même, en proie à une violence généralisée, où les forces de l’ordre sont absentes, corrompues, ou totalement complices de barons de la drogue.

Ce choix narratif, s’il n’apparaissait que dans une ou deux séries, pourrait relever de la liberté artistique. Mais lorsque plusieurs programmes diffusés sur le même fuseau horaire reprennent ce schéma, il devient légitime de parler de ligne éditoriale coordonnée. Et c’est là que l’inquiétude grandit : ces contenus sont validés, financés, et diffusés par la télévision publique, ce qui leur confère une forme de légitimité institutionnelle.

Une image en décalage avec la réalité

Cette vision est non seulement fausse, mais aussi profondément injuste envers les institutions marocaines, et en particulier envers les forces de l’ordre. Ces dernières années, les Marocains ont pu constater une nette amélioration de la communication sécuritaire, une meilleure gestion des crises, une réelle efficacité opérationnelle dans la lutte contre les réseaux criminels et la délinquance. Montrer l’exact inverse dans les séries financées par l’État n’est pas un choix neutre : c’est alimenter une perception erronée, voire cynique, de la société.

Pour un audiovisuel marocain à la hauteur de ses ambitions

Il est plus que jamais temps d’ouvrir un vrai débat sur le modèle de production audiovisuelle au Maroc. Un débat sérieux, structuré, et tourné vers l’avenir. Car continuer à subventionner des contenus médiocres au nom de la production nationale revient à trahir à la fois le public, les talents émergents et l’image du pays.

Le Maroc mérite mieux que ce miroir déformant. Il mérite un audiovisuel ambitieux, responsable et à la hauteur de la richesse de sa société et de son identité.

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