Quand Bank Al-Maghrib révèle les failles du gouvernement Akhannouch

À Londres comme à Rabat, l’indépendance des banques centrales agit parfois comme un projecteur impitoyable.
Face à l’absence ou au manque de clarté des élus, ces institutions, par leur communication et leurs décisions, en viennent à exposer les fragilités des gouvernements.
À l’automne 2022, le « mini-budget » non financé de Liz Truss a provoqué la chute de la livre et l’envolée des taux.
La Banque d’Angleterre a dû racheter en urgence des obligations pour éviter un krach, révélant la fragilité de la stratégie budgétaire et précipitant la démission d’une cheffe de gouvernement élue, face à une banque centrale nommée mais crédible.
À Rabat, le scénario est moins spectaculaire mais tout aussi révélateur.
Lors de sa conférence de presse du 23 septembre 2025, Abdellatif Jouahri a fixé le cap. Le Wali de Bank Al-Maghrib a d’abord souligné l’impératif de maîtriser l’inflation dans un contexte international moins porteur. Il a ensuite insisté sur la nécessité de préserver les équilibres budgétaires, rappelant que la Banque centrale n’a pas vocation à financer directement l’État. Enfin, il a annoncé la poursuite des réformes de l’institution et de la loi bancaire. Un message ferme : l’indépendance de Bank Al-Maghrib et la stabilité des prix demeurent les piliers de la crédibilité économique du Maroc.
Dans un contexte où l’exécutif d’Aziz Akhannouch peine à convaincre et reste discret sur les dossiers stratégiques, Abdellatif Jouahri se retrouve presque contraint d’endosser un rôle non seulement communicationnel, mais aussi quasi-politique. Ses mises en garde deviennent, de facto, un substitut au discours économique que l’exécutif n’assume pas toujours.
Il ne s’agit pas pour autant d’un « État profond » tapi dans l’ombre, mais de la tension institutionnelle normale entre des dirigeants élus, responsables des choix budgétaires, et des responsables nommés, garants de la stabilité monétaire. Lorsque la politique budgétaire menace cet équilibre, la banque centrale a le devoir d’agir ou de prévenir, quitte à mettre en lumière les vulnérabilités du gouvernement.
La leçon, des rives de la Tamise à celles du Bouregreg, demeure : l’indépendance des banques centrales n’est pas un contre-pouvoir clandestin, mais l’un des piliers de la crédibilité économique et démocratique.