Culture et divertissements

Appel africain à la prudence dans l’exploitation des richesses des grands fonds marins

Les Journalistes pour la Pêche Responsable et l’Environnement (JRFE) réclament un moratoire sur l’exploitation minière en haute mer

 

Ghana, Cape Coast – Par Mohammed Tafraouti

Alors que l’intérêt mondial pour l’exploitation minière en haute mer ne cesse de croître, l’organisation Journalistes pour la Pêche Responsable et l’Environnement (JRFE) a lancé un appel pressant aux gouvernements africains pour adopter une position commune ferme en faveur d’une interdiction ou, à tout le moins, d’un moratoire sur les activités minières dans les grands fonds marins. Cet appel a été lancé lors d’une conférence de presse tenue ce jour à Cape Coast, au Ghana, en marge des réunions de l’Autorité internationale des fonds marins (ISA) à Kingston, en Jamaïque.

Charles Smith, responsable des partenariats au sein de JRFE, a souligné dans son intervention qu’il est grand temps pour l’Afrique de faire entendre sa voix et de rejoindre les 37 pays, scientifiques et organisations environnementales appelant à un moratoire immédiat ou à une pause de précaution, afin de mieux comprendre les risques environnementaux, économiques et scientifiques liés à l’exploitation minière en haute mer.

Un patrimoine commun… menacé de pillage

Les grands fonds marins représentent l’une des dernières frontières écologiques inexplorées de notre planète. Selon l’article 136 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (UNCLOS), ils sont considérés comme un « patrimoine commun de l’humanité ». Cet écosystème abrite des espèces rares et des habitats millénaires, conférant à cette zone une valeur écologique, culturelle et humaine inestimable.

Cependant, ce patrimoine est aujourd’hui menacé par les activités croissantes de certaines entreprises cherchant à extraire des métaux critiques tels que le cobalt, le cuivre, le manganèse ou le nickel, sous prétexte de soutenir la transition énergétique et l’économie verte.

L’absence préoccupante de l’Afrique

Malgré la gravité de la situation pour le continent, aucun pays africain ne figure parmi ceux ayant demandé un moratoire ou une pause temporaire. Une étude menée en 2020 par l’ISA avait pourtant révélé que 8 des 13 pays les plus vulnérables aux impacts économiques de l’exploitation minière en haute mer se trouvent en Afrique, dont la RDC, le Gabon, la Zambie et la Mauritanie.

« Comment un continent doté d’autant de ressources marines et de communautés côtières peut-il rester en dehors de ce débat crucial ? », s’interroge Charles Smith.

Une double menace pour l’environnement et l’économie

La JRFE alerte sur les dangers que représente l’exploitation des fonds marins pour les écosystèmes marins profonds. Ces activités pourraient entraîner des dommages irréversibles aux habitats fragiles et aux espèces rares, altérer les courants océaniques, réduire les niveaux d’oxygène, et compromettre les stocks halieutiques et les moyens de subsistance des communautés côtières africaines.

En l’absence d’un cadre juridique clair aux niveaux régional et continental, ces activités risquent aussi de reproduire la « malédiction des ressources », où des entreprises étrangères exploitent les richesses africaines sans bénéfice réel pour les populations locales.

 

Transition verte ou prétexte économique ?

La JRFE met également en doute l’argument de la nécessité des métaux profonds pour la transition énergétique. Les technologies de batteries évoluent vers des matériaux non présents dans les fonds marins. De plus, certaines entreprises pourraient viser ces ressources à des fins militaires, ce qui contredirait les principes du droit international maritime, qui réservent le patrimoine commun de l’humanité à des usages pacifiques.

« Si l’objectif est la fabrication d’armes, ce serait une violation flagrante du concept même de patrimoine commun de l’humanité », a déclaré Smith.

 

Appel urgent : Stopper l’emballement

La JRFE a conclu son intervention par un appel solennel aux États africains :

« Ouvrez les yeux avant qu’il ne soit trop tard. L’exploitation des métaux en haute mer n’est pas une simple activité économique, c’est un enjeu de souveraineté sur vos ressources partagées et sur votre avenir écologique. »

Elle a aussi plaidé pour un renforcement de la représentation africaine au sein de l’ISA, ainsi que pour l’élaboration d’un cadre juridique régional aligné avec la stratégie de l’Union africaine pour l’économie bleue, centrée sur une utilisation durable des ressources marines au service du bien-être et du développement durable.

Mona Samari, experte en affaires maritimes internationals souligne dans son rapport de mars 2025 :« Tandis que les défenseurs de l’environnement et les représentants des peuples autochtones expriment une inquiétude croissante quant à la préservation du patrimoine culturel des fonds marins, les juristes du droit maritime réaffirment que le droit d’exploiter les métaux en haute mer revient à l’humanité entière, et non à une poignée d’entreprises privilégiées. »

Elle ajoute :« Malgré l’intérêt suscité par des minerais comme le cobalt ou le nickel, des études récentes montrent que les retombées financières pour les pays à faibles revenus sont minimes. Selon une analyse conjointe du Groupe africain et du MIT, chaque pays membre de l’ISA (hors UE) ne gagnerait en moyenne que 2,93 millions de dollars sur 30 ans – soit environ 97 800 dollars par an. »

Enfin, Mona Samari conclut que le manque de données scientifiques fiables, les polémiques récentes autour de phénomènes mal interprétés comme le supposé « oxygène noir », et l’opacité des données des entreprises minières, appellent à un strict principe de précaution, à davantage de recherches indépendantes, et à un moratoire international sur toute activité commerciale dans les fonds marins.

Il est à noter que cette initiative est supervisée par l’experte Mona samari  Dans le cadre des efforts de sensibilisation et de développement durable

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