Al Haouz, un policier accusé de dérives d’influence

À TACHBIBT, un petit village de la province d’Al Haouz, à quelques kilomètres de Marrakech, les habitants vivent au rythme des saisons difficiles d’une agriculture vivrière, de la reconstruction post-séisme, et d’un quotidien souvent marqué par la précarité.
Mais depuis quelques années, une menace d’un autre ordre assombrit leur horizon : les pratiques controversée d’un membre de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), officiellement affecté à l’aéroport de Marrakech, qui exercerait une forme d’emprise inhabituelle sur une partie de la communauté du village, mêlant autorité policière explicite, zizanie et pratiques controversées.
Quand l’uniforme dépasse sa fonction
L’agent, originaire de la région, aurait profité de son statut pour s’immiscer dans les affaires locales avec une autorité jugée abusive par de nombreux habitants. En particulier, son implication lors des élections législatives du 8 septembre 2021 a suscité malaise et indignation. Selon plusieurs témoignages recueillis sur place, ce fonctionnaire aurait activement soutenu un proche parent candidat, exerçant des pressions directes sur certains électeurs, dans un contexte social où l’influence de l’autorité reste puissante et rarement contestée.
Plus récemment, en mai 2025, se présentant une nouvelle fois de manière abusive comme policier à l’aéroport, ce même policier serait intervenu en personne auprès de l’administration locale pour appuyer la nomination d’un membre de sa famille à la présidence d’une association en charge de la gestion de l’eau. Il aurait également plaidé pour la reconversion d’un puits destiné à l’eau potable en installation d’irrigation agricole, une démarche qui suscite actuellement une vive opposition de la part des habitants.
Ces dérives soulèvent des questions cruciales : quelles sont les limites de l’autorité d’un agent de la DGSN en dehors de son cadre professionnel ? La Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) est-elle informée ? Et surtout, comment une institution censée incarner la neutralité peut-elle tolérer ce genre de pratiques ?
La neutralité policière piétinée
La loi marocaine est sans ambiguïté : les membres des forces de l’ordre n’ont pas le droit de voter, encore moins de faire campagne. Cette neutralité est un pilier du processus démocratique et une garantie fondamentale pour éviter toute instrumentalisation des institutions à des fins politiques ou personnelles. En 2021, le directeur général de la DGSN, Abdellatif Hammouchi, avait même rappelé ces règles dans une note officielle, enjoignant à ses agents de s’en tenir à une stricte impartialité pendant toute la période électorale.
Mais à Tachbibt, cette ligne de conduite semble avoir été allègrement franchie. À ce jour, aucune enquête officielle n’a été rendue publique. Aucune sanction n’a été prononcée. Le silence assourdissant des autorités nourrit l’inquiétude d’une population déjà peu confiante envers les mécanismes de contrôle.
Symptôme d’un dysfonctionnement plus vaste
Ce qui pourrait sembler, à première vue, un cas isolé s’inscrit en réalité dans un phénomène plus large. Dans plusieurs régions rurales du Maroc, des figures locales issues de l’administration tendent parfois à exercer une forme d’autorité informelle, contournant les cadres légaux en profitant du flou juridique et de l’éloignement du contrôle institutionnel.
Cependant, un changement notable mérite d’être souligné : la Direction Générale de la Sûreté Nationale se distingue aujourd’hui par une dynamique nouvelle. Sa réorganisation structurelle, sa stratégie de communication modernisée et sa volonté affirmée d’incarner des valeurs de transparence et de proximité sont visibles et saluées par de nombreux observateurs. Ce tournant, perceptible à différents niveaux, traduit une volonté claire de rupture avec certaines pratiques du passé.
Mais les mécanismes internes de la DGSN en termes de régulation et de contrôle, s’ils existent, semblent toujours inaccessibles aux citoyens, surtout dans des zones où l’accès à l’information est restreint et où l’esprit critique est étouffé par des décennies de pratiques paternalistes.
L’urgence d’une réforme
À l’heure où le Maroc s’engage dans un processus de modernisation institutionnelle et de consolidation démocratique, la question de la neutralité réelle des forces de l’ordre mérite d’être traitée non comme un simple rappel de procédure, mais comme un impératif structurel.
À Tachbibt, un membre de la DGSN a failli. Mais il serait injuste d’en tirer une conclusion généralisée. Ailleurs, des efforts réels sont engagés, et la transformation est en marche.
Le changement des mentalités exige du temps, de la persévérance et une volonté constante. Car les policiers sont aussi des citoyens, porteurs des mêmes contradictions, espoirs et limites que le reste de la société. La démocratie peut encore être défendue, à condition que les institutions engagées dans ce processus poursuivent leur actions et assument pleinement leur responsabilité.