Chroniques

Même en cas de divorce, les voyages de noces ne seront pas remboursés !

Le Parlement, qui quasiment effraie par son silence lors de cette pandémie, et ne parle ni de réaménagement du droit du travail, ni de responsabilité des entreprises, ni de responsabilité des autorités en cas de contaminations qui pourraient être évitées, vient de priver les personnes ayant engagé des frais dans des voyages (annulés à cause de l’état d’urgence sanitaire) de leur remboursement.

 

La Chambre des représentants a adopté, très récemment encore,  le projet de loi 30-20 qui édicte  des dispositions particulières (et même toutes particulières) pour les contrats de voyage, les séjours touristiques et les contrats de transport aérien des passagers. A la place de remboursements en argent, du flouze, ce texte de loi offre aux prestataires de service la possibilité de proposer aux clients un avoir ou un reçu de prêt, sous forme de proposition de prestation d’un service identique ou similaire, sans en augmenter les prix.

 

C’est-à-dire que si quelqu’un a hypothétiquement versé 30.000 dirhams pour un voyage aux Bahamas précisément ce mois-ci, pour une raison particulière ne pouvant être différée, eh ben ce monsieur ou cette dame ne peut même pas prétendre à être remboursé, quelque soit le motif qu’il invoque. Même s’il apporte la preuve que la raison de son voyage n’existe plus, ben tant pis pour lui.

 

Il a juste droit à un avoir, valable seulement 15 mois (9 mois pour la Omra), d’une valeur identique aux frais qu’il a engagés. C’est-à-dire qu’on lui dit « choisis un autre voyage ». Et même si le client rétorque : « Mais moi je veux mon argent, j’en ai même besoin ! », l’entreprise a, grâce à l’intervention du Parlement dans la création et l’imposition d’une telle loi, peut lui répondre : « Un autre voyage ou rien… Vous pouvez toujours attendre 15 mois que nous soyons dans l’impossibilité de vous offrir une prestation similaire». Un texte de loi dit ça… Le remboursement n’est possible que si l’offre d’un avoir identique ou similaire n’est pas possible dans les 15 mois (9 pour la Omra). Le texte est vague et on ne peut même pas savoir si le refus du client de prendre un avoir à la place fait partie des impossibilités précitées. Mais même dans ce cas, attendre des mois pour se faire rembourser… Et peut-être même que cette impossibilité ne concerne que les opérateurs, pas le refus du client.

 

Wow ! C’est tout bonnement fascinant ! Stupéfiant ce Parlement. Et y a aucune exception… Même le bon Monsieur qui a casqué 30 milles dirhams et ne veut plus les casquer ben il n’a pas droit à remboursement, sauf si impossibilité énigmatique. Même quand c’est une grosse somme ! C’est quand même flippant ces lois, non ?! Et ce qui est encore plus flippant c’est ce qu’on peut faire avec des lois…

 

Bien-sûr, ils ont fait ça car nanana nanani les agences de voyages et les transporteurs aériens et tout ça peuvent faire faillite. Nous compatissons avec les salariés ! Mais ça reste une époustouflante claque à la figure des consommateurs. Vous n’avez même pas le droit d’être remboursés (tout de suite ou toujours…), signé : Le Parlement (P.S. : l’entité qui pond les lois, ces trucs que nul n’est censé ignorer, et que les électeurs élisent. Elle ne représente pas les agences de voyage et la RAM, non ! Non ! Cette drôle d’entité représente les électeurs).

 

Ça bosse, là-bas, on dirait… Ce n’est pas inactif ! C’est même très zélé quand ça le veut bien. Et y a des lois qui sortent, par-ci, par là, dépendant des besoins (de qui ?). Ils ne dorment pas, non ! Ils bossent !

 

Supposons que le refus du client d’un avoir en guise de remboursement ne lui permet pas de prétendre à un remboursement en argent après 15 ou 9 mois (je mise sur cette hypothèse). Une loi qui ôte le droit de se faire rembourser en cas de prestation non honorée… et qui impose une autre prestation comme remboursement même si le client n’en a ni envie ni besoin?! Elle est bien bonne, celle-là ! Elle est bien bonne !

 

Il y a d’ailleurs autre chose de vraiment très drôle. Il y a une exception ! Les candidats au pèlerinage (Hajj) dans les lieux saints de l’islam, ceux dont les voyages et séjours ont été annulés, ben ceux là précisément seront remboursés, intégralement. Ha ! Ha ! Ha ! Mais pour quelle raison ?

 

Le mec qui voulait partir au Bahamas avait peut-être aussi de pieuses intentions. Peut-être y allait-il pour se marier, mais a fini par rompre. Vous insistez pour qu’il voyage à 30.000 balles ? Et vous ne lui donnez même pas le droit de prouver qu’il n’a pas les moyens de s’offrir un voyage pour s’amuser et qu’un remboursement lui sauverait vraiment la mise ? Peut-être un autre avait-il un entretien d’embauche ? Peut-être d’autres allaient-ils à des funérailles, des séminaires, assister à des naissances ? Il y a des centaines de « peut-être » possibles… Mais rien ! Pas de remboursement ? Quel bel exemple de législateurs…

 

Ce n’est pas fini ! Les gens qui avaient dépensé pour le Hajj peuvent être remboursés. Mais ceux pour la Omra non ! Ça frise le ridicule tout cela. Et c’est vraiment hilarant !

 

Selon ce que j’ai compris avec mon humble cervelle, les pèlerins peuvent prétendre à un remboursement, car outre l’aspect « intouchable » des rites sacrés, le motif de leur voyage est clair et n’est même plus possible, à moins d’attendre une autre année. Et au lieu d’ouvrir la possibilité aux autres personnes de prouver être dans un cas similaire de « raison du voyage devenue impossible » (car le pèlerinage c’est bien connu et bien organisé mais le reste pas vraiment), alors tous les autres ont eu droit au « je sors pas le porte-monnaie, tu peux tout juste choisir autre chose ». Une incapacité de s’organiser, en somme… La vieille faille !

 

Pour ceux qui pensent que ça reste à peu près fairplay, n’oubliez pas les gains de ces entreprises… En refusant de rembourser, elles gagnent sur les 30.000 du pauvre ex-fiancé ! Et même beaucoup… Et n’oubliez pas ceux qui avaient dépensé de l’argent pour en retirer un bénéfice qui n’est plus possible… A quoi leur servirait de voyager !

 

Une obligation d’être à nouveau client et de produire des bénéfices aux entreprises, même si le client n’a ni envie ni besoin de l’être, client, tel est le résumé de cette belle loi de ce beau Parlement Marocain. Même un divorce ne saurait obliger une agence de voyage à rembourser un voyage de noces. Effrayant !

 

Si attentionné et si bosseur, ce Parlement, n’est ce pas… ?!  Oui ! Oui ! Ça dépend envers qui…

 

Même en supposant que le refus du client de l’avoir peut donner lieu à remboursement après 15 mois, cela reste totalement inadmissible. Alors là si le refus du client ne peut même pas donner lieu à un remboursement, même après 15 mois, oula ! Cela voudrait également dire que l’entreprise peut même, durant 15 mois, refuser de donner un avoir similaire ou identique en guise de remboursement, jouer la carte de l’impossibilité durant un an et 3 mois…

 

Magnifique, ce Parlement !

 

Nouamane Rimeh (Nouamanerimeh@gmail.com)

 

 

 

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