Un cheval ! Un cheval ! 1250 dh pour un cheval !
Magnifique ! Magnifique ! Les éleveurs de pur-sang et de chevaux de course et « assimilés » viennent de déposer une demande pour pouvoir faire bénéficier chacun de leurs chevaux de 1250 dirhams, mensuellement, depuis le fonds Covid…
Et c’est une demande tout à fait sérieuse que vient de déposer la non moins sérieuse Société Royale d’encouragement du cheval (Sorec) pour que l’Etat prenne en charge les chevaux de course durant la pandémie, depuis le fonds dédié au soutien économique et sociale des Marocains et des entreprises marocaines (je me demande toujours s’il y aurait eu autant de dons si on avait crée deux fonds, l’un pour les Marocains et l’autre pour les entreprises…). Ladite société demande 1250 dirhams, comme cité précédemment, pour chaque cheval de course, pur-sang ou autre belle bête du même rang, fut-elle finalement un tocard !
1250 dirhams alors que les familles travaillant dans l’informel n’ont droit qu’à entre 800 dirhams et 1200 dirhams en fonction du nombre de membres de la famille. Jetons d’ailleurs un œil plus approfondi :
– 800 dirhams par mois pour les ménages de deux personnes ou moins ;
– 1.000 dirhams par mois pour les ménages formés de trois à quatre personnes ;
– 1.200 dirhams par mois pour les ménages de plus de quatre personnes.
C’est-à-dire finalement qu’une famille de 5, 6, 8 ou 10 personnes reçoit toujours moins que ce dont un seul cheval a besoin, selon ces experts équestres! Cette simple idée, on ne sait si on doit en rire ou en pleurer.
Par ailleurs, le Ministère de l’Agriculture, après avoir vu de multiples fake news concernant une décision gouvernementale réelle d’aider les pauvres propriétaires en leur accordant 1250 dirhams par cheval, pour le forfait tout soin compris, a réagi en communiquant assez agressivement pour mettre des kilomètres entre lui et la Sorec et cette demande assez honteuse (si seulement la Sorec n’avait demandé que l’argent de la bouffe des chevaux. Mais non…). En effet peut-on lire un peu partout : « Les communications autour de ce sujet ont eu lieu entre la SOREC et les professionnels qui ont exprimé leur demande par rapport à un soutien financier, a précisé la même source (le Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts) dans un communiqué, affirmant que la démarche n’a pas reçu l’accord du ministère et n’a nullement été avalisée et aucun montant n’a été mobilisé dans ce sens. Toutes les informations circulant à ce sujet restent ainsi dénuées de tout fondement, conclut le communiqué ».
A savoir également qu’il parait, selon des sources d’Assabah, que la Sorec aurait publié cette demande sur son site officiel avant de tout bonnement l’en supprimer, suite au tollé qu’elle a provoqué. Son directeur aurait par la suite refusé de répondre aux appels des journalistes d’Assabah, malgré une demande écrite de leur part, et la Sorec n’aurait ni confirmé ni infirmé l’existence (passée ?) d’une pareille demande. Ils ont honte, donc ? Au point d’ôter les preuves de la demande… Compréhensible !
On tourne la page alors…
Euh… Non ! Attendez ! C’est vrai qu’un cheval de course nécessite 1250 dirhams par mois quand des centaines de milliers de familles marocaines ont du mal à joindre les deux bouts ou n’y parviennent même pas ? Peut-être qu’il nécessite plus que cela d’ailleurs, et que la Sorec n’a demandé que le très strict minimum…
1250 dirhams, c’est un bon montant ! Partons dessus…
Que les aides aux familles démunies se poursuivent même après le combat contre le Coronavirus, c’est la moindre des choses ! Leur fournir ce que certains, beaucoup même, dépensent pour des chevaux, c’est le minimum. Continuez ! Continuez à prendre soin des chevaux… Mais que l’Etat prenne soin des familles marocaines !
Car qu’on ne donne même pas à des familles nécessiteuses ce qu’on dépense pour un seul cheval, c’est à vous rendre vraiment chèvre… Et cela, que le cheval soit rentable ou non ! Là n’est pas la question… Le nombre élevé des familles nécessiteuses non plus.
Soyez humains ! Ou doit-on continuer à vivre dans un monde où une famille entière dans le besoin, fut-elle constituée de 8 membres, ne reçoit pas, de la part de l’Etat, ce qui est alloué à un seul cheval ? Telle est la question…
Nouamane Rimeh (Nouamanerimeh@gmail.com)